La station Radio Campus Orléans est implantée depuis plus de 25 ans dans le quartier de La Source, au coeur de l'université. L'une de ses voix les plus marquantes a accepté de se confier sur son expérience des ondes radiophoniques : celle du journaliste indépendant Hassan Kerim.
Tu es bénévole à Radio Campus Orléans depuis dix-huit ans. Qu'est-ce qui t'a conduit à intégrer cette aventure ?
Je connaissais certains des membres de la radio. Je les voyais lors de concerts de reggae. Mais je n'y suis pas arrivé tout de suite. Il y a eu quelques péripéties, avec une fermeture de la radio. C'était un peu le fouillis à l'intérieur et le CSA était assez dur, malgré la libéralisation par Mitterrand. J'ai monté mon émission "À bâtons rompus" sur Radio Arc-en-Ciel pour échanger sur l'actualité locale avec d'autres chroniqueurs. Ça a duré près de trois ans. Mais le conseil d'administration a eu peur de notre ton un peu libre. On a été assez cash avec eux. Je suis allé voir les gamins de Radio Campus et j'ai rencontré des jeunes qui avaient envie de faire du journalisme. On parlait beaucoup de journalisme citoyen et alternatif. Je faisais partie de la SNJ-CGT qui disait que la presse française avait besoin de médias alternatifs pour que le milieu ne soit pas sclérosé.
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C'est aussi ce qui t'a poussé à quitter RFI en 2000 ?
À cette époque, ils pensaient à créer France 24, avec obligation pour la rédaction de RFI de faire de la radio et de la télévision. J'avais fait un peu de télévision lorsque j'étais étudiant à l'ESJ Paris et lorsque j'étais en vacances au Togo pour quelques remplacements. Mais je ne suis pas à l'aise avec mon image, ma posture... Il y avait aussi le bombardement d'une base militaire française à Bouaké, en Côte d'Ivoire. Je savais qu'il y avait d'autres choses derrière, avec des sources dignes de foi, et finalement révélées dix ans après. Ce n'est jamais passé à l'antenne à ce moment. Tout cela a provoqué mon départ de RFI.
Radio Campus, c'est de la musique, de l'information, de la jeunesse... Qu'est-ce qui t'a accroché durant toutes ces années à l'antenne ?
La formation des jeunes étudiants, clairement. Ils sont arrivés progressivement en nous disant qu'ils appréciaient le ton libre de l'antenne. Ça a contribué à ce que je reste ici. Globalement, il y en a eu une bonne vingtaine que j'ai vraiment suivis au cours de toutes ces années.
As-tu des exemples de jeunes étudiants qui t'ont marqué à l'antenne et qui ont réussi dans le métier ?
Il y avait Julian Bugier, mais il n'est pas resté très longtemps, car il bougeait pas mal. Parmi les fondateurs, il y avait Michel Jérôme qui est maintenant bien placé à France Bleu. Il fait partie de ces gens qui ne voulaient pas passer par une école de journalisme, mais qui en voulaient. Certains sont partis dans la presse alternative. Il y en a eu aussi dans les médias mainstream. Guillaume Pivert, par exemple, a intégré Chérie FM. Depuis le début des années 2010, on a une nouvelle génération d'étudiants qui souhaitent intégrer des écoles de journalisme après leur bénévolat à Radio Campus, comme Nato (Natalia Odisharia, NDLR) qui a réussi le concours de l'école de journalisme de Sciences Po Paris.
"À bâtons rompus" a changé de format et de contenu depuis sa création au début du siècle. Pourquoi ?
C'est selon mes envies propres. Au début, c'était beaucoup de parlotte autour de sujets d'actus. Ensuite, il y a eu toute une période durant laquelle je faisais intervenir des étudiants, avec plus d'invités au cours des émissions. Maintenant, je suis un peu plus seul. Je fais les choses de manière totalement libre. L'évolution de l'émission est essentiellement due à ma propre évolution. Elle n'est pas motivée par une obligation. Radio Campus ne me dit pas ce que je dois faire.
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As-tu des anecdotes à partager de toutes ces années d'activité à Radio Campus ?
Je peux citer le déménagement épique de la radio dans le bâtiment actuel, sur le campus. Les émissions se faisaient dans une chambre d'étudiant, avant le transfert de la radio au rez-de-chaussée du "Cône". Un jour, une bagarre générale a éclaté entre membres des associations qui occupaient l'étage. La direction de l'université a proposé à la radio de prendre possession des locaux. Il y aussi l'interview de responsables locaux du Front National par des jeunes lors d'une élection. Un des étudiants se pinçait le nez devant le mec du FN qui ne s'était pas rendu compte du geste de défiance au cours de l'entretien. Mais au-delà, c'est surtout un quart de siècle d'existence. C'est ça qui marque le plus. Aucun des fondateurs n'imaginait que cela pourrait durer. Moi, je le pensais. Si tu es sérieux dans la formation et que tu ne fais pas le con, il n'y a pas de raison. Aujourd'hui, Radio Campus Orléans est toujours là et a une vraie place dans le milieu des médias locaux. Cette radio durera, car les jeunes sont de plus en plus nombreux à vouloir faire ce métier de journaliste.
Propos recueillis par Thomas Derais
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